Pourquoi elle reste ?

« si elle reste avec lui, c’est qu’elle doit aimer qu’on la frappe ».

« si elle reste avec lui c’est que ce n’est pas vrai ».

 « Si c’est vrai, où sont les bleus, les côtes cassées, les marques».

« un mec qui bat sa femme ça se voit au premier abord ».

 NON NON NON

Elle reste parce que ce n’est pas toujours mauvais, que les bons moments font espérer.  Elle vit dans un espoir qui s’avère injustifié mais elle veut y croire, croire qu’il peut changer, croire que demain sera meilleur.

Elle reste parce qu’elle pense que tout être humain mérite une seconde chance. 

Elle pense qu’il est deux personnes à la fois, un bon et un méchant, et qu’en faisant des efforts pour être « parfaite » elle chassera le mauvais « lui ».

Elle croit que tout le monde a du bon et qu’en l’aimant assez, en lui prouvant qu’elle est là pour lui, elle effacera ses séquelles du passé et il se sentira tellement aimé qu’il n’aura pas envie de lui faire du mal à nouveau.

Elle reste parce qu’il lui fait croire qu’elle a imaginé des choses.  Sur le coup il s’excuse mais un peu après il essaye de dire que ça ne s’est pas passé vraiment comment elle s’en souvient.

Elle a l’impression que c’est un cauchemar, a tout moment elle pourra se réveiller et ce ne sera pas vrai.

Elle vient à en douter elle-même de la situation.  Tout parait peu à peu comme un rêve (ou un cauchemar) et elle oublie les moments où il l’a frappé ou donné un coup de poing et ne s’en souvient que si elle y réfléchie vraiment.

Elle pense que si elle essaye de partir il va faire du mal à sa famille.  Il lui a déjà menacé de le faire et elle ne sait pas s’il le ferait ou pas.

Elle est déjà faible parce qu’avant la violence physique, il avait déjà commencé par la rabaisser, la faire douter, la persuadait de faire ce qu’il voulait en lui faisant la tête et lui rendant la vie « difficile ».

Elle pense que personne ne va la croire, elle croit que tout le monde l’adore et qu’ils vont tous prendre sa défense.

Elle sait qu’il pourra la retrouver, il sait où elle travaille, où vit sa famille, ses habitudes.

Elle ne se sent pas assez bien pour lui, elle ne voit pas pourquoi il veut d’elle vu qu’elle est "nulle", "mongole", "débile", "incapable", "faible" "lui fout la honte", crade, "ne sait pas s'occuper de son fils"....et donc si lui qui soit disant l'aime pense tout ça, les autres doivent le penser aussi...Elle est sûrement comme il dit qu'elle est....

   Il sait quoi dire pour d’un coté l’affaiblir et de l’autre lui faire croire que c’est lui son seul espoir.  « nous allons nous organiser juste tous les deux ». «nous n’avons pas besoin des autres » « ils essayent de t’influencer » « ils ne veulent pas ton bien ».   

Elle regarde d’autres dans une situation similaire qui restent malgré tout et se dit « oui mais ce n’est pas aussi violent qu’avec mon amie machin » ou « a la télé j’ai vu un reportage d’un mec qui avait roué sa femme de coups jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus marcher, il ne m’a jamais fait ça, juste quelques coups de poings à la tête et sur les bras ».

Elle minimise chaque coup et se dit qu’elle l’a peut-être mérité.

Elle se dit qu’au moins il ne la trompe pas.

Elle ne sait pas vers qui se tourner, comment faire, elle serait perdue si elle partait.

Elle se dit qu’elle n’a aucune preuve tangible, les coups ne sont pas visibles, et si jamais elle a eu des bleus, elle les a recouverts pour que personne ne puisse voir.

Elle est passée maitre dans l’art de la déception – « oui je vais super bien » même si tout va mal.  Elle raconte à tout le monde tout ce qui est bien de lui et essaye toujours de le faire passer pour le meilleur.

Et puis, si elle a de la chance, et de bonnes personnes autour d’elle, un jour elle s’en sort. 

Elle part et tout à coup elle voit la multitude de gens là pour elles, qui n’aimaient pas vraiment son homme mais qui restaient dans les parages parce qu’elles tiennent à elle.  Elle se rend compte de comment il est vraiment, mais même là, elle continue à espérer.

Chaque jour est un nouvel obstacle, mais elle les franchit tant bien que mal.  Il y a des jours où elle est positive, elle veut lutter et arriver à s’en sortir.  Mais il y a des jours, des moments où elle se dit que ce n’est pas la peine, il a gagné.  Elle n’a rien, il a tout.  Elle est perdue.  Et puis, ces gens formidables autour d’elle lui donnent l’espoir, cette fois fondé, justifié, que les choses peuvent s’améliorer, qu’il faut se battre pour ce qu’on veut et que tellement de personnes ont vécu des choses pareils et s’en sortis.  Elle peut s’en sortir, elle veut s’en sortir.  Pour elle, pour son enfant, pour sa famille et ses amis, il ne faut pas qu’elle soit juste une autre statistique, une fin tragique à une histoire tristement familière.